Armen Godel

Portrait d'Armen

Quelques témoignages sur...


Zeami, traces ! Trois temples, trois cimetières

« C'est un voyage au Japon, dans le Yamato, sur les traces d'un fantôme éminent qui, comme dans le théâtre nô, revient le temps du livre sur la scène du monde. Armen Godel, qui approfondit et transmet depuis des années la tradition japonaise du théâtre nô, est parti sur les traces d'un très grand maître, Zeami (1363-1443), cherchant une tombe peut-être, mais aussi et surtout un enseignement, un esprit zen et poétique des lieux. Trois temples se succèdent dans le récit : le Fugan ji, le temple du Roc-bienfaisant ; le Shûon an, l'ermitage de la Récompense-des bienfaits ; le Shinju an, l'ermitage de la Perle-authentique. Ce parcours s'accompagne de "36 vues du Yamato", série de dessins remarquables d'Isabelle Excoffier, tandis qu'Ono Nobuko a traduit le texte qu'on peut lire également en japonais. »

Eléonore Sulser, Le Temps/Samedi culturel, Genève, 10 mai 2014

Le Chef de Gare

« C'est un garçon qui s'échappe de la table familiale pour courir voir arriver les trains à la gare de ce village de montagne. (...) Sous l'apparence d'une chronique douce-amère d'une enfance tendant à l'âge adulte, Armen Godel pose dans Le Chef de Gare la question du destin individuel. Les envies enfantines sont-elles solubles dans le mûrissement désenchanté de l'adulte ?
Le chemin de fer, c'est " l'ultime jeu par lequel l'enfance doit laisser ses plumes ". C'est un réseau de signes que l'auteur détache de cette montagne : le train devient le trait d'union, au travers du tunnel qui conjugue fascination et cauchemar, entra les territoires de l'enfance, en-haut et l'ailleurs. »

Jacques Sterchi, La Liberté, Fribourg, 1er mai 1999

Isola Bella

« Isola Bella est une histoire d'amour en cinq paysages d'hiver, – ou un retable en cinq tableaux. Un roman où il se passe quelque chose (ce n'est pas si fréquent aujourd'hui), – une action, comme au théâtre, même s'il s'agit d'une sorte d'action négative, une fuite de ville en ville, de scène en scène. (...)
Un roman du déplacement plus que du mouvement, et le lecteur subit mimétiquement cet exil, ou cet exode exténuant, parce qu'éclaté, syncopé, souvent haletant. Un roman où se retrouve, se déchire à nouveau, toujours se fascine un couple, et nous revient le récitatif de Strindberg, encore lui, comme un cruel témoin à charge. Un roman avec des haltes, mais elles sont plus éprouvantes que l'étape, parce qu'elles se révèlent habilement ménagées pour séparer ou faire souffrir. Autant de scènes dans la pièce, et celle d'Einsiedeln est particulièrement dense, si le couple fracturé et aimanté s'y voit jeté en présence de la sainteté, du don de soi, du silence monastique et de l'absolu, qu'une longue citation hagiographique dans le goût du grotesque ponctue de corrosive ironie. (...)
La technique du romancier consiste à impliquer le lecteur dans cette interrogation, à le compromettre physiquement, quasiment à le malaxer au rythme inconfortable de son récit. Non pas, on l'entend bien, récit de l'extérieur, ou distancié, mais participation au drame, corps à corps souvent gênant avec le couple, ou avec le désir, le fantasme du personnage. (…)
Impudique, Armen Godel ? Voyons plutôt que le romancier, sûr de son effet, – au sens de l'effet, the effect d'Edgar Poe –, est un révélateur décisif de négativités, d'impuissances, de manques, de stupeur, et c'est dans ces envers, ou dans ces miroirs en creux, qu'il nous contraint à nous regarder sombrement dans son regard. C'est une forme subtile de la sympathie tragique. »

Jacques Chessex, Laudatio
Prix Lipp 1995 (extraits)

Raratonga

« Raratonga se pose comme un roman initiatique. Ou comme le suggère son auteur, comme un roman chamanique. (...) Un cheminement, une traversée. Il y a eu la venue du cirque dans le village de montagne où le narrateur et sa femme se sont retirés. La soirée, l'érotique numéro de la danseuse noire et de l'éléphant sacré, Raratonga, venu "tout droit du temple de Borobudur". Puis ces bruits dans la nuit agrandis tandis que le couple dormait. Simon est parti. Il a vu le massacre de l'éléphant échappé. Avec d'autres, il a suivi sa trace, a grimpé jusqu'au sommet de la montagne dans la course agonisante de l'éléphant qui seul savait le chemin... »

Jean-Dominique Humbert, in Écriture (revue), 1992

Mes algues d'Ôsaka

« Mes Algues d'Ôsaka est un récit placé sous le signe du double. Deux mouvements s'y entrelacent, maintenant jusqu'au bout cette tension du texte qui reflète celle qu'éprouve le narrateur : la découverte d'un pays, d'une civilisation, est constamment mise en regard avec la descente en soi. (…)
L'image du Japon n'est ni nette ni unie, celle du narrateur-voyageur non plus. (...) Il n'y a dès lors pas de moments banals : tout au plus y a-t-il notre incapacité à voir leur intérêt ou leur sens. Métaphore de cet enseignement, l'emploi de loupes qui devient nécessaire pour étudier de près la réalité (...).
L'image du Japon se construit par éclats successifs, telle une mosaïque; à preuve de l'importance que le moindre détail peut avoir, le fait que plusieurs épisodes nous sont racontés deux fois, selon des perspectives différentes, et que toujours le voyageur - et par conséquent le lecteur - en retire un enrichissement. La vie s'avère complexe et insondable : impossible d'émettre un jugement définitif à propos de quoi que ce soit, surtout dans un pays qui, comme le dit Nicolas Bouvier dans sa Chronique japonaise, "n'a pas son pareil pour vous tirer la chaise de dessous les fesses". (...)
À cheval entre le journal intime et la chronique où les péripéties sont mises en distance, Mes Algues d'Ôsaka portent ainsi, dans leur texture, la marque de l'indécidable et de la relativisation. »

Daniel Maggetti, Laudatio
Prix Pittard de l'Andelyn 1991 (extraits)